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Lire sur ce site "La liste du sycophante", à propos de Célébration de la poésie d'Henri Meschonnic


Essais sur des auteurs

Essais généraux



    Éthique de la parole critique...

    (Note à propos de la tératologie littéraire)

    par Jean-Michel Maulpoix



    Dans le numéro 824 de La Quinzaine littéraire, Henri Meschonnic répond à ma « liste du sycophante » par un texte d'une rare violence. L'accusateur s'y pose en victime. Il dénonce comme une perverse entreprise d'escamotage de sa pensée un texte qui n'avait d'autre objet que de souligner vivement l'alliance en tous points tératologique de la théorie et de l'insulte dans son essai récent, Célébration de la poésie.

    Avec une dureté nécessaire (celle de qui doit adopter, pour la circonstance, le ton même de ce qu'il combat), ma « liste du sycophante » est venue rappeler qu’il y a incompatibilité absolue entre le discours critique et l’invective. On ne pense pas, on ne théorise pas en caricaturant. Plus inquiétant que la satire elle-même (qui peut être pittoresque ou salubre) est le danger de ce qu'elle implique : la simplification méprisante, la destruction sommaire du travail d'autrui et le déni de sa valeur. Perdant tout sens de la mesure, Henri Meschonnic sort de l'obligation d'attention, de précision et de nuance qui est le propre de l'intellectuel. Dans Célébration de la poésie, le descriptif se conjugue au normatif avec un autoritarisme qui le conduit sans relâche à exclure et à réduire.

    Inutile à présent de surenchérir. Il est temps d’en revenir à l’essentiel, c’est-à-dire aux deux questions posées par ce débat :

    • Comment parler de la poésie ? sans passer pour son adorateur, sectateur, séide ou thuriféraire ; sans en être non plus le criticailleur ou le fossoyeur ; en l'étudiant sans sectarisme ni dévotion...
    • Quelle éthique pour la parole critique ? Qui ne verse ni dans la polémique ni dans l’encensement, qui ne soit ni censure ni flatterie, et qui surtout donne à partager autant qu’à comprendre son objet.

    C’est dans Le poème d’invitation de Jean Starobinski, un petit volume récemment publié aux Editions La Dogana, que je trouve à ce propos d'intéressantes pistes de réflexion. A Frédéric Wandelère qui l’interroge sur son parcours critique, Jean Starobinski répond :

    « Les exigences de la science littéraire sont pour moi une conséquence du désir de comprendre et de faire comprendre. Mais j’insiste sur un point capital : ces exigences-là sont elles-mêmes subordonnées à l’intérêt qui soutient ma recherche, à l’inquiétude qui détermine mon mouvement — intérêt et inquiétude qui sont une réponse aux questions que j’éprouve au fond de moi-même, face au monde, bien en-deçà de la spécialisation des disciplines intellectuelles. »

    Et plus loin :

    « J’essaie d’accomplir un devoir d'écrivain. Je crois que la qualité poétique n'est pas incompatible avec la réflexion critique, voire avec l'érudition."

    Oui, l'essentiel est bien "le désir de comprendre et de faire comprendre". Avec lui déjà s'esquisse une éthique. Car cette étroite conjonction de la "chercherie" et de la transmission protège du sectarisme et de l'usage des arguments d'autorité.

    C'est pourquoi j'entends opposer (notamment sur ce site) le questionnement et le partage à ce qu'Henri Meschonnic appelle la "critique généralisée". Mon nouveau livre Le poète perplexe (éd. Corti) témoigne de ce souci.

    J'invite donc ceux et celles à qui importent ces deux questions (Comment parler de la poésie ? et Quelle éthique pour la parole critique ?) à me faire part de leurs réflexions à ce propos (courriel : jm@maulpoix.net), en attendant le numéro de juin du Nouveau recueil, où un dossier intitulé Que peut la poésie ? s'efforcera de prolonger et d'approfondir ce débat.

    Jean-Michel Maulpoix, le 2 février 2002.