n°73 Décembre 2004 - février 2005
Élégies
d’aujourd’hui
(textes rassemblés par Jean-Michel Maulpoix)
À
l’instar d’Orphée
, le poète apparaît comme quelqu’un qui se
retourne : Rutebeuf
vers
ses amis perdus, Villon
vers
les « neiges d’antan », Du Bellay
vers
son Petit Liré, Lamartine
vers
la voix d’Elvire, Baudelaire
vers
le « vert paradis des amours enfantines »
et les « défuntes années » ,
Rimbaud
cherchant
« la petite morte derrière les rosiers »,
Apollinaire
au
fil du Rhin, voyant se défleurir les cerisiers
de « Mai »
qui « se
figeaient en arrière », ou encore
s’exclamant « Je me retournerai souvent »…
Telle est la déclinaison assidue d’un ubi
sunt qui alimente la dimension élégiaque
de l’écriture : « Où sont nos
amoureuses ? », « Que sont nos
amis devenus ? »… La poésie dit
aussi bien « je me souviens » que
« Nevermore » :
Le
poète est le génie du ressouvenir ; il ne
peut rien, sinon rappeler, rien, sinon admirer
ce qui fut accompli ; il ne tire rien de
son propre fonds, mais il est jaloux du dépôt
dont il a la garde.
Que voit, que montre le poète en se retournant ? Ce qui naguère
fut réuni : une conjonction, une
conjoncture. C’est vers des liens
qu’il se retourne, aussi bien que vers des
lieux ou vers un âge disparu. Le retournement
sollicite conjointement l’espace et le temps.
Il est un travail de mémoire. Ainsi le poète
s’avère-t-il, selon la formule de Mallarmé
, le « Montreur de choses Passées »,
celui qui donne à voir le passage du temps, un
témoin de notre finitude. Son regard se porte
sur ce qui n’est plus, aussi bien que sur ce
qui ne peut que s’éteindre.
En invitant quelques écrivains contemporains à s’intéresser à la
forme et à la substance de l’élégie, j’ai
souhaité percevoir vers quoi notre
aujourd’hui se retourne…
SOMMAIRE
Lorand Gaspar
Oulouk
Beg
Aurélie Rauzier
L’Arcensoir
Martine Broda
Poème
Jean-Michel Binsse
J’aime
les boules, toutes les boules
Annie Mignard
Le
Mont Chauve
Poésie italienne
Mario Benedetti
Humaine
gloire (traduit de l’italien par Monique
Bacelli-Chachuat)
Franco Fortini
Élégie
(traduit de l’italien par Jean-Yves
Masson)
Tribune littéraire
Maria Zambrano
Pourquoi
on écrit (traduit de l’espagnol par
Jean-Marc Sourdillon)
Élégies
d’aujourd’hui
(textes rassemblés par Jean-Michel Maulpoix)
Alain Duault
Élégie
de la guerre
Antoine
Emaz
Mi-voix
Jacques Darras
Variations
sur une élégie de Dylan Thomas
Gérard Titus-Carmel
Semper
Dolens
Olivier Barbarant
Elégie
Carole Darricarère
Latex
lyrique
Thierry Clermont
Vingt-huit
jets d’élégie
Pierre Grouix
Rivière
sans rivale
Jean-Yves Masson
Neuvains
de la sagesse et du sommeil
Jean-Marc Sourdillon
Élégie
Laure Helms
Élégie de la mort lente
Monia Latrouite
Stigmate
Camille Loivier
Élégie
à une pinsonne
Brigitte Gyr
Sous
la pelle des jours
Yves Leclair
Secret
Muezzin
James
Sacré
Le
mot « élégie » dans un titre
La Revue
Nuno Judice
Entretien
avec Jean-Claude Pinson
Notes de lecture
Shoshana
Rappaport-Jaccottet, Marie Claire Bancquart,
Antony Dufraisse