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MARTINE BRODA
VINGT ANNEES
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tu peux mentir
ton regard ne ment pas, ni la fièvre
le tremblement de tes mains
*
en allemand tu dis vrai Liebling
et tu ne diras pas aujourd'hui un autre jour peut-être
ich bin ganz verrückt nach dir
*
incompréhensible l'amitié
qui nous lie si fort
dans la haine et le feu d'Eros
*
jamais ensemble jamais séparés
nous avons vécu tout près
*
jeunesse
partagée
*
la gravitation
la gravité
(ce soir)
près du feu rallumé
tu regardes mon sexe
*
(vigne)
qu'elle est lente à mûrir
le vent de Ré soulevait tes cheveux
*
à vélo vers la plage un jour de grosse chaleur
*
ce jour-là tu m'as vue sortir de l'eau
tu as désiré mon corps
*
en Crète où je parle allemand (toi)
je rêve de toi tous les soirs
je rêve
que je retourne à Ré
*
tu es tendre tu es méchant
tu brûles en moi comme l'alcool
passionnément le rejet
l'interruption
*
c'est une île
dans le feu
TROIS PHOTOGRAPHIES
sur le lit
en effigie
ta lèvre
est sèche
ton regard dit douleur
et désir
de l'impossible que tu ne trouves plus
qu'en moi
*
tu me suis constamment des yeux
tu brûles ton retour
pour que le jour sans fin
la mer vacante
la tête alourdie de soleil
*
la chasteté serait une folie
comment ivre de toi
réenchanter
le monde
*
au point de
RETOUR D'AMOUR A ATHENES
la main crispée sur la médaille
miraculeuse
travail du deuil accéléré
*
sans même voir l'Acropole
tu parcours fébrile les ruelles de Plaka
tu fais brûler un cierge à Monasteraki
priant le Dieu des goys
de t'éclairer
*
dame de trèfle ou dame de coeur
lui c'est le chien de pique
il me poursuit partout
mais je meurs
de l'aimer
*
venue d'outre misère et cruauté
sa voix me réveille la nuit
où ceux qui s'aimèrent une fois
ne peuvent se séparer
*
ce qui nous jette l'un vers l'autre disais-tu
c'est la fatalité
pour l'un celle des images
nous tombions entre des mondes
ignés
*
en Grèce comme partout le ciel s'illumine
et parfois s'obscurcit
de présages
ceux qui passent inaperçus
signes et contre-signes
*
assise à la terrasse où j'attends le traducteur
(oui la Rose, celle dont nous partageâmes il y a vingt les septembres, Huhedibluh, paraissait en grec
en cette veille de Noël où j'étais dans tes bras
champagne !
et l'amour
de ta vie)
*
alors mon voisin grec à cette terrasse grecque
me parle de Baltimore
où nous fûmes si heureux
il y a quatre
avec l'autre Werner
célébrant Paul Celan
*
Hélios va-t-il encore embraser notre terre
de ce Goethe que tu aimes tant
as-tu lu Wahlverwandtschaften
le verre non-brisé
puis l'étoile qui tombe
au-dessus
des amants
*
"pour les désespérés nous fut donné l'espoir"
APRES LA CHUTE
retour de ta voix
sur l'aile dans l'or
porte au-delà des corps`
*
je cherche sans fin le lieu
rayonnant
du bonheur qui nous reste à vivre
*
mais où
m'emportes-tu
dans le passé jamais vécu
l'or du temps textuel
ou la joie inimaginable
à venir
*
blondeur
(ta blondeur)
sa douleur est si douce
© Martine Broda. Cette série de poèmes a paru dans Le Nouveau recueil.