La poésie comme l'amour

Essai sur la relation lyrique

Recueil d'essais critiques, par Jean-Michel Maulpoix

publié au Mercure de France en 1998 - (174p. 89F)

 


Présentation du livre

Un homme attend la femme qu'il aime. Elle n'arrive pas, il est anxieux. Un bruit, un pas. C'est toi ? Non, pas encore. J'ai pris pour toi le bruit du vent ou le chat du voisin. C'est curieux comme le monde auquel tu manques s'emplit de signes. Il me parle ; je l'entends de travers. Mon attente fait de moi une fabrique à images. Sans doute est-ce pour cela que Breton a pu dire : « indépendamment de ce qui arrive, n'arrive pas, c'est l'attente qui est magnifique ». A cause de cette fièvre et ce bruit. L'attente d'un être multiplie les rapports et les liens autour du vide qu'elle creuse. Elle produit du poétique, qui n'est autre que de la confusion orientée, des fils tissés autour de rien, ou la robe invisible d'un corps absent. Cela s'appelle appréhender. Une ignorance se convertit en espèce étrange de savoir.

Lorsque Breton préconise dans L'Amour fou le comportement lyrique, il ne valorise rien d'autre que cette mise à disposition du sujet, ce congé momentanément donné à la maîtrise de la raison, propre à faire disparaître la distinction de l'objectif et du subjectif et à poser la relation comme l'électif principe de l'existence et du poème.

Qu'est-ce qui, autant que l'amour, est affaire d'élection et de lien, sinon la poésie qui, comme lui, « risque tout sur des signes »?