Verlaine
et Rimbaud
Adieux au poème de
Jean-Michel Maulpoix, aux éditions José
Corti
La Poésie malgré tout,
au Mercure de France
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- En librairie le 1er
septembre 2021 , dans la collection "Que
sais-je?", aux P.U.F, "Les cent mots de
Paul Verlaine"
Ni précis d’histoire littéraire,
ni abrégé biographique, ce petit livre est
un lexique qui invite à visiter l’imaginaire
poétique de Paul Verlaine à travers ses
motifs et ses formes. Or ce poète est
déroutant par sa trompeuse simplicité : son
œuvre illustre la poésie là où elle paraît
la plus immédiate, mais s’avère la plus
insaisissable. Ses lecteurs les plus curieux
vont de surprises en désarrois. La plupart
l’ont découvert en récitant sur les bancs du
collège ses vers les plus fameux. L’image
s’est alors installée d’un tendre auteur
mélancolique et musicien donnant à entendre
"les sanglots longs / Des violons/ De
l'automne"... Mais voilà cette figure de
poète bientôt compliquée et troublée par
d’autres : un parnassien appliqué, un
décadent persifleur, un provocateur
libidineux, un catholique repenti, un
élégiaque tout à la fois violent et
bonhomme, ou, pour reprendre la juste
formule de Paul Valéry, « un primitif
organisé »...
Sous la plume de Verlaine, en effet, les
formes, comme les tonalités, changent. Et il
serait vain de vouloir établir le partage
entre savoir-faire et spontanéité. Sa voix
est autrement variable que celle de ses
grands aînés romantiques, de Baudelaire, ou
même de Rimbaud. C’est un poète que l’on
peut dire inégal, ce qui résonne comme un
reproche, mais peut caractériser la façon
singulière dont il paraît s’être abandonné à
la langue, qu’elle se fît mélodieuse,
plaintive ou grinçante. Or n’est-ce pas là
ce que l’on attend du poète : qu’il se fasse
porte-voix, non pas d’une théorie ou d’une
cause, mais des inflexions les plus étranges
de cette langue même que nous parlons et que
nous sommes ? C’est là son rapport à la
vérité. Sa plasticité humaine est sa
justesse.
Verlaine n’a-t-il fait de la méprise et de
l’indécision des valeurs de son art poétique
? Sa simplicité apparente se conjugue avec
une sophistication que d’aucuns diraient
diabolique. Sa naïveté est un brin fumiste,
mais que serait le charme de la poésie sans
ce mélange de rouerie et de fausse candeur ?
Qu’en resterait-il sans cette étrange
aptitude à l’incohérence qui permet de se
faufiler jusque dans les coulisses de
l’inconscient ? Pour devenir enfin
respectable, la poésie doit-elle faire
l’économie des « mollasseries » qui lui sont
tant reprochées et qu’elle seule parvient à
prendre en compte ? Lui faut-il éconduire
toute cette matière amorphe du dedans que
Verlaine parvient mieux que tout autre à
traduire et transmettre en vers subtils ?
Une chose est sûre : nul avant lui n’avait
poussé aussi loin, avec un toucher si
délicat et si inquiétant, l’expression des
émotions les plus fugitives non plus que la
combinaison des sensations et des
sentiments.
Jean-Michel Maulpoix
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