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Journal
d'un enfant sage
par
Jean-Michel Maulpoix
paru en 2010 aux éditions du
Mercure de France
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"Préface"
du livre
J’ai
composé ce volume à l’intention de mes camarades de l’école
maternelle et d’amis inconnus : les garçons de trois à cinq
ans, principalement. J’y ajoute volontiers quelques filles pas
trop taquines, comme mes cousines Hélène, Émilie, Juliette et
Chloé.
En
dépit de sa relative difficulté, cet ouvrage peut devenir également
accessible, au prix d’efforts patients, à des lecteurs plus âgés :
les élèves de la grande école, voire quelques grandes personnes
soucieuses de s’initier à ce que l’on appelle à tort « les
mystères de l’enfance ». Afin de leur faciliter la tâche,
j’ai pris la peine de composer plusieurs chapitres qui leur sont
plus spécialement destinés.
Il
me serait enfin infiniment agréable que ce livre de taille modeste
trouve sa place dans le sac à main de jeunes femmes, entre des
tubes de rouge à lèvre et des photos d’enfants.
C’est
un livre « de bonne foi », lecteurs, et tel que chacun
puisse y apprendre bien des choses !
On
y lira d’abord mon journal, tenu régulièrement pendant les premières
années de ma jeune existence. J’y traite de sujets graves tels
que l’âge, le temps, les dames, la politique, les
camions-poubelle, l’écriture et la vie sociale…
Puis
on y prendra connaissance d’un cahier de leçons de choses, destiné
à l’instruction de mes camarades auxquels sont rappelés, en même
temps que les extraordinaires merveilles de ce monde, plusieurs
grands principes du savoir.
Enfin,
pour distraire mon petit frère Adrien, j’ai réuni des fables
plus légères, contes et curiosités.
N’ayant
pas atteint l’âge de la majorité, je confie à mon père, qui a
déjà fait paraître un certain nombre de livres, le soin de signer
ce volume. Je sais qu’il ne manquera pas de corriger certaines étourderies
et qu’il saura se garder de trop mêler sa voix à la mienne.
Que chacun trouve ici une nourriture
en tous points comparable à celle d’ouvrages plus savants. Ce
n’est pas un livre d’enfant ! Un Monsieur l’affirmait
naguère : « les livres que nous écrivons sont le produit d'un autre moi que celui que nous manifestons dans nos
habitudes ». Et l’écriture résulte aussi d’un
autre âge et d’un autre temps, bien plus compliqué que celui
des calendriers et des horloges. Elle sait certaines choses que
les enfants ignorent et d’autres qu’ils sont seuls à connaître.
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Revue
de presse
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Je saute à
pieds joints dans les flaques. N’y voyez pas malice, c’est mon bonheur !
J’aurai trois ans en juillet : je marche sur le ciel.
Je cours
derrière les papillons et bavarde avec les fourmis.
Pardonnez-moi
si j’arrache les pétales des fleurs et fais tomber les livres de la
bibliothèque.
Je vide et je
remplis. Je construis et détruis. Je fais, puis je défais. J’ai compris qu’en
cette vie l’on doit répéter sans cesse les mêmes gestes. Il n’y a pas de dieux
au ciel, juste un vieux Père Noël fatigué de ses jouets.
Que se
passe-t-il dans la tête d’un petit garçon ? Pour répondre à cette question, Jean-Michel Maulpoix
donne la parole à Louis. Et nous voilà transportés, comme par enchantement,
dans le monde inconnu d’un enfant de trois ans, à la fois proche et lointain…
Sensible,
émouvant, souvent drôle, ce Journal d’un enfant sage est le livre d’un
écrivain qui sonde les mystères de l’enfance et celui d’un père qui témoigne de
sa tendresse infinie pour son fils.
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Jean-Michel Maulpoix prête sa plume à Louis, son grand fils de
trois ans.
Faire parler par écrit un enfant de trois ans, en
l'occurrence Louis
Maulpoix, fils aîné de l'auteur, n'était point chose aisée,
ni pari gagné d'avance. La nunucherie ou l'anachronisme total guettaient.
Avouons-le tout net, Jean-Michel
Maulpoix a parfaitement réussi dans l'exercice qu'il s'est à
lui-même imposé.
Ce Journal d'un enfant
sage est un objet littéraire non identifié. S'y succèdent le Cahier de Louis, pages d'un journal, en effet, que l'écrivain en herbe aurait
tenu durant un an; Leçons de choses, où il cherche à comprendre les
mystères du monde des adultes qui l'entoure - et notamment le Grand Mystère,
celui de l’arrivée d'un petit frère, Adrien - sur quoi il n'hésite pas à porter
un regard lucide et moqueur, pas dupe; et Proses
pour Adrien, de drôles de contes qu'il invente pour endormir son cadet et
où, tout naturellement il se campe, lui, l'aîné, en preux chevalier protecteur
du fragile petit être. L'ensemble donne un petit bijou d'humour et d'irrespect,
tout en délicatesse Il n'y avait qu'un poète qui pouvait faire ça.
Naturellement, pour apprécier le livre, il faut que le
lecteur, supposé être une « grande personne » - même si, comme Maulpoix
citant Malraux, on veut bien admettre qu' « il
n 'y a pas de grandes personnes » -, oublie un instant sa vie, son âge, ses
soucis, afin de retrouver l'enfant qu'il a été. Et accepte la convention qu'un
gamin de trois ans peut avoir la maturité, la jugeotte et le style d'un papa de
cinquante et quelques. Leurs deux cultures dialoguant d'ailleurs de façon
plaisante. Car si le porte-plume cite ses écrivains préférés - surtout des
poètes, sauf Montaigne -, Louis a lui-même d'excellentes lectures: « Je lis Brunette rumine, de Valérie Guidoux.
J'aime le caractère émancipe' de la jeune héroïne qui "ne tête plus sa
mère", son indépendance d’esprit, son appétit d'herbe verte, sa curiosité
et sa manière de nouer des liens avec le caneton, le chat ou le lapin. C'est
une petite vache tout à fait dans mon genre. » On aura reconnu ici un
pastiche des feuillets de leurs Journaux
où de célèbres adultes commentent ce qu'ils ont lu. Louis, lui, s'amuse à
écrire pour ses camarades de maternelle et ses cousines, Hélène ou Chloé, qui
ne le laissent pas de marbre. Parfois, il se fait un peu grave, et il ne faut
pas prendre ses remarques à la légère. C'est lui qui se montre le plus raisonnable.
« Regarde devant toi papa », répète-t-il par exemple à son père, lorsque
celui-ci semble distrait au volant. On peut être sérieux quand on a trois
ans...
Composant son livre, Jean-Michel Maulpoix
a bien sûr beaucoup pensé au Petit Prince et à Saint Exupéry, ce grand enfant malheureux
sous son enveloppe d'adulte. « Dessine-moi un poème! » demande Louis à un moment.
Et papa s'est exécuté. Avec talent et tendresse.
Jean-Claude Perrier, Livres hebdo.
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