Lyrisme...
D'abord ligne
de fuite, la mer prenant son large, joie
de mourir ainsi à soi, de se répandre.
Là-bas, les merveilleux nuages
emportent une provision de ciels. Mêler
nos corps à cet inachevable, nos doigts,
nos chevelures, et quantité d'autres
fragilités désirables...
Quand l'âme est
à marée basse, nous ne recueillons sur
la plage lessivée que les embruns salés
des vagues et ce butin maigre de
coquilles, d'algues, de crevettes et de
crabes que le profond silence des mers
avec parcimonie nous octroie.
Il en est du
lyrisme comme d'un terrain vague:
espace indéfini sans borne, où échouent
toutes sortes d'objets étranges:
écorchures du monde, ferrailles et
vieilles carcasses, sans valeur ni
signification. Lieu sauvage, inquiétant
et cependant familier, où se recompose,
aux antipodes du musée ou de l'église la
communauté la plus élémentaire. Dans ce
bric-à-brac d'images au rebut, le frêle
myosotis a fleuri...
En
cet endroit, l'on vaque. Le lyrisme,
dans l'homme, est quelque chose comme le
principe d'une errance.
Mettre la
pensée à l'épreuve du terrain vague
signifie qu'on se laisse conduire,
appeler, repeupler. Il ne s'agit pas de
manier des concepts, mais de répondre à
un afflux d'images sidérantes. Ainsi,
dans l'utopie et l'absence, s'affirme la
présence. Le lyrisme impose d'abord à la
disponibilité de chacun une épreuve.
Un chemin
existe, nos pas l'inventent. Cette ligne
apparaît soudain, s'efface, se
redessine, dure à peine le temps de la
promenade. Il revient à notre endurance,
autant qu'à notre érnerveillement,
d'arpenter et d'accroître ce domaine.
Plus nous marchons, plus il existe.