Poème extrait de L'Embouchure de la Maye dans les vagues de la Manche, Ed. « Le Cri, In'Hui », 2000.
Il faudrait trop d'appuis pour soulever les vagues
Il faudrait capturer la lune pour en faire un levier
Il faudrait délivrer la chaîne des planètes -
On ne renverse pas la mer par un coup d'état !
L'armure simple de la mer avec ses mailles d'eau
L'étroite cuirasse grise où elle s'épouse elle-même
Qu'aucune lame ne pourra dissocier d'aucun corps
Tant le corps de la mer fait corps avec ses lames,
Demeure le rempart le plus sûr des féodalités.
Démence de croire pouvoir mettre à raison la mer !
Démence de prétendre l'enrégimenter dans l'émeute !
D'émeute contre soi l'éternelle émeutière,
Pour qui le soulèvement est une seconde nature,
Est d'autant moins capable qu'elle en est coutumière.
S'ameuter pour la vague c'est à l'exemple d'une meute
Courant échine contre échine sous des fanes vertes
Pendant des milliers et milliers d'hectares d'heures.
Mais quel est le gain à la seconde où le soleil tombe,
Baignant comme un chevreuil flasque dans son sang
Dont on maintient les pattes pour les lier deux à deux,
De quel souffle d'animal esoufflé la mer la sueur ?
De quel pouls s'amplifiant sous les côtes l'amplitude ?
Tant d'images ensemble se pressent dans sa course
Qu'une réplique d'elle-même se dédouble forêt
Plus fluctuante que l'autre au for de ses lisières
Spectre d'arbre debout avec son tronc rigide
Couché à plat, fuyant selon le sens de l'horizon