Carnet d'un pseudonyme.

par Bénédicte Gorrillot

Texte paru dans Le Nouveau recueil n°54, mars 2000.

(Bénédicte Gorrillot a publié Les Yeux d'après, roman, aux éditions Caractères, en 1997.)


 

 
En Bérénice Le Manteau comique La fantaisie de Garançay Post-scriptum à Garançay
Puis Garançay L'envol des lettres Demi faire-part

 

EN BÉRÉNICE

 

Elle est une baie sereine si bouche bée et sans dit sur sa nixte, oh proche encore de la-bien-disante Bénédicte! Et reine, mais trop! soudain hissée sur des grands airs elle rit CANTATRICE à gorge-ivre en Bérénice!

La bouche je ne l'aimais qui souriait ni résonnait : mais en plein songe se vouait. Or en ces rêves de révérences ou d'allégresses coloratures les dents sont si laides sciant la douceur.

Bénie devenue beri-beri.

 

Pour ce nom rongé d'orgueil demi-vrai, on ne fermera plus mal les lèvres sur Bénédicte. Car le hoquet demi-final accrochait la poigne des choses Et il fallait désirer l'épeller hors le réflexe aveugle d'amitié ce prénom d'intimité adulte. Les bouches enfantines ne savaient pas l'expirer, mal dite Bénedite! Je l'ai perdue.

Août 96.


 

 

PUIS GARANçAY

 

Bérénice se vêt en Garance car il faut bien un nom social mais dans le souvenir d'un gué alphabétique où j'ai aimé m'allonger en rareté. J'y ai appris le plaisir de m'y faire attendre sans excès, et la première prédisposition à être aimée.

Le gué était aussi d'orgueil où GORRILLOT accroché à ses deux airs faisait tonner les trilles solennelles du corps d'un mot plus long dans le convoi! Et en quelle fanfare! Mais combien d'ailes et d'airs retombés des lèvres trop hâtives ont brouillé ma noblesse.

J'aimais cette écriture redoublant ses consonnes parce qu'elle contraignait à une attention forcément élective ou provoquait l'erreur rieuse et bien-disante qui me ferait être la doublure vivante d'un roman de papier.

 


 

 

LE MANTEAU COMIQUE.

 

Pauvre trompeuse aujourd'hui tu te drapes en Garance parce que ton amie de coeur aime cette couleur tu sais. C'est un rouge, mais un rouge affaibli voilé par la romance lourde des verbales anses plus résonnantes en ce nom. Hors la pOUrpre rage de la cOUleur! en un rouge de mystère donc _ c'est facile comme tout lointain! _ tu te dépeins, en ce rouge douteux peut-être auburn, or, marron ou rien du tout, tout se brouille! Tu erres après un nom.

Une étoffe indécise recouvre enfin la chasse d'airain des deux grands airs autrefois rassemblés pour te proclâmer en importance.

Or tous tes mots, même celui-là qui te dément, ont une saveur parce qu'ils sont le change d'un corps : tu as pris Garance tu sais c'est aussi pour le cliché de PASSION! Rouge! Car tu es rouge du délice des Choses!

Août 1996.

 


 

L'ENVOL DES LETTRES

(...)

Garançay? Aussi pour l'hameçon d'un accroche-coeur à l'oeil. Péché d'art-déco, mignon. Et combien futile cette crotte arrière d'esthétisme en fin de mensonge; si vaine que l'oreille l'en méprise, insonore : s ou ç?. Et pourquoi l'y grec puisque tout semble désiré? Par la longue palme arrière offerte retournée offrante vibrante mon bras plonge dans la profondeur de ma sensation ; car j'aime le monde des choses en une nage immense où rien ne se dérobe à l'accès de ma peau.

Beau mythe! L'Y-GREC vient clore à vue le nom en fanfare, en stuc, en roccoco! en queue équilibrant parfaitement le prime accroche-coeur de l'oeil. Et cela fait précieux et cela fait MYSTERE. Car on ne peut vouloir tant de superfétatoire! Le nom est une tromperie! et la merveille est d'exhiber son vide retentissant en ses crottes inutilement belles de plâtre!

Août 1996.

 


 

 

LA FANTAISIE DE GARANÇAY

(...)

[G-a-r]. Ma vie dans les g-a-r-es, à me garer : sans toit? non. Sans amour? non. Pourtant toujours à souffrir d'un soyeux, terriblement léger décollement de l'être à soi : un frisson de dehors quelque part , où? en la chair? Et mes yeux! que voyais-je qui n'était pas mon vis-à-vis? Que disais-je que mes paroles se déchiraient en dissonnants contrepoints? CAR PAR UNE IMPLOSION D'Etre et INTENSE!

A toujours me garer à côté du Simple d'une après-midi d'automne cousue sur une nappe, disons, à carreaux rouges. Et non! Moi, il faut que je jouisse du silence, de la lumière déclinante! Il faut que je souffre et que je les nomme avec force respirations imaginaires et lèvres crampées.

Je serre mes mains. Je suis bien là pourtant et uniforme.

Terrible à toujours me gar-der en partance malgré mon égal affamement de l'immobilité des choses.

Août 96.


DEMI FAIRE-PART

 

Garançay : gare et avance tu sais, en garce peut-être mais piteux et banal oxymore de l'être et du mouvement

Plâtre et stuc inutile accroche

de l'oeil

voile gonflée de passion

mais voilée, rouge biaisée sans le cliché,

Garance, si peu garce, danse, pauvre ment au vent

se garde -'"en garde!"_

d'avoir perdu son nom.

Août 96.

 


 

POST-CRIPTUM À GARANÇAY.

 

Elle a cru refusés son vrai nom, son roman. Elle est partie pour la Pseudélie qui perd la souffrance, dit-on. Or elle ne riait jamais tant du Bonheur des Choses que lorsque son double romanesque les grandissait d'être l'écrin à un amour en oraison. Elle étaient Belles antiquement les beautés vertes d'être rendues utiles. Et ce service privilégié de l'amour n'était autre que cette métaphore de l'hyperbolie à boire, humer, jouir : et Vivre. Elle a voulu réapprendre à éprouver la sensualité de ce verbe conjugué à ce point au présent d'habitude qu'il devient insonore. Voici l'histoire d'un roman cru refusé. Il fallait enterrer le nom qui s''était enorgueilli de cette identité de révélante.

Août 96.

 


© Bénédicte Gorrillot