Mon nouveau livre qui sortira en
librairie le 2 mars, aux éditions du Mercure
de France, s'intitule « Le jardin sous
la neige ». C'est un titre simple,
pour un livre de proses simples, mais dont je
souhaite ici m'expliquer un peu…
Qu y a-t-il sous la neige dans un
jardin d'hiver ? Une terre épaisse,
humide et noire, dont on dit volontiers
qu'elle dort… C’est une image commune… Mais
elle me fait songer à la charge de fatigue du
« Moïse » d'Alfred de Vigny :
« Laissez-moi m'endormir du sommeil de la
terre »… N'y a-t-il là-dessous que de la
nuit ? N'est-ce pas plutôt une certaine
qualité de silence ?
Pendant l’hiver, la terre attend…
Serait-il exagéré de parler alors de sa
solitude : la végétation disparue, les
oiseaux en allés, les petits mammifères
calfeutrés dans leur terrier, quand ne reste
plus que le noir de la mémoire des
morts ?
En vérité, il y a du monde dans ce
jardin inerte où sédimente la glaise humaine
et animale... La terre d’hiver fourmille de
vies engourdies qui attendent de sortir du
sommeil. Qu'on s’en souvienne : il y a
sous la neige la promesse d'un printemps que
la blancheur protège !
Le jardin sous la neige est un monde
en noir et blanc comparable à celui qu'établit
l'écriture, à ceci près qu’il est
inversé : noir au-dessous, blanc
au-dessus… Et qu’y a-t-il dans cette encre qui
recouvre la page blanche, sinon une mémoire
endormie dans la langue, qui se réveille…
L’écriture est noire, au-dessous, au-dedans,
là où ça dort, où ça travaille, ou ça pourrit,
ou ça fermente : destruction et
fécondation… Nous avons des jardins d’hiver
dans la tête !
La langue fait des pas sur la page de
neige : ceux d'une silhouette sombre qui
s'éloigne dans le temps de sa propre vie.
Évidemment, la neige recouvre, adoucit, fait
briller, enchante : elle peut être une
image de la poésie qui console du réel, mais
c'est aussi un manteau trompeur, un leurre,
une froidure déguisée en semblant de chaleur…
La mort est-elle une idée si noire
qu’il faille l’envelopper de neige ?
Ce livre est l'histoire de ma
tristesse. Dans ce « Jardin sous la
neige », peut-être ai-je atteint cette
fois quelque chose comme le bout de mon
écriture.