Souvenir
de Jean Grosjean
Le
poète Jean Grosjean est mort le lundi 10 avril, à
Versailles où il vivait. Voilà bien des années
que je ne l'avais pas revu, et cependant son nom
reste affectueusement attaché à mes premiers pas dans le monde des
Lettres.
En 1973, jeune normalien, n'ayant encore
rien fait paraître, j'envoyai à La Nouvelle
Revue Française que Jean Grosjean animait alors
avec Marcel Arland et Dominique Aury, une petite
étude consacrée à Francis Ponge. Elle ne fut pas
publiée, mais je fus invité à me rendre aux
éditions Gallimard, rue Sébastien Bottin, où l'on
me proposa d'écrire des notes de lecture, puis des
essais plus longs.
C'est en ces circonstances que je
fis la connaissance de Jean Grosjean qu'il m'arriva
souvent de raccompagner le mercredi soir
à Versailles, dans ma petite 104 Peugeot rouge. Il
me parlait longuement de Malraux à qui je
consacrais ma maîtrise, de Clausewitz, de la Syrie,
ou de la Franche-Comté dont nous étions tous deux
originaires.
Curieusement, les questions strictement
littéraires ne semblaient guère l'intéresser et
il relativisait volontiers d'un sourire mon
empressement à écrire ou à publier... Il
me reste encore en mémoire les cageots de pommes
rapportés de province et empilés dans le vestibule
de son appartement de la Rue Royale où tintait une
horloge comtoise. C'était
le temps calme et juste de Jean Grosjean. Jean-Michel
Maulpoix
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