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Choix de poèmes de Paul Celan

Commentaire critique à paraître en février 2009 aux éditions Gallimard (Foliothèque)

par Jean-Michel Maulpoix

Extrait de l'introduction.

 

Comment lire Paul Celan ? Sans doute n’est-il pas de réponse satisfaisante à cette question que tout lecteur ne peut manquer de se poser et qui d’emblée le mène jusqu’au cœur obscur de cette œuvre si étrange. La poésie de Paul Celan met sa propre lecture en difficulté par la nature même de son écriture. Elle ne se contente pas d’être ardue, elle rend incertaine la notion de compréhension, et, à travers celle-ci, notre relation même au langage. Plus spécifiquement, elle est faite pour nous dérouter, puisqu’elle tient délibérément en échec la maîtrise et l’aisance supposées d’un lecteur savant, et invite à établir une relation humble au poème, faite davantage d’imprégnation – par relectures successives – que d’efforts d’analyse. Ici, une voix s’attache à faire entendre les conditions dans lesquelles elle prend la parole et le sort qu’elle lui fait subir. Un souffle voudrait que l’on prête attention à sa respiration propre. Une main tendue espère le serrement d’une autre main.

Le douloureux travail d’écriture qui se poursuit dans ces poèmes déjoue toute traduction et réfute l’idée d’une possible transposition dans une autre langue, ou celle d’une explication qui décrypterait et qui mettrait à plat ce qui ne peut être ni simplifié ni déplié tout à fait. Rien de ce qui est à dire n’échappe à la constitution d’une poétique singulière. Le poème perd toute gratuité, pour devenir le lieu d’une expérience et d’une éthique : il cherche le réel et le vrai. Il n’a plus pour objet de dire le monde, en sa beauté ou sa laideur, et il ne prétend ni enchanter ni même « arranger les choses ». Tout au contraire, il tourne autour de l’obsédante question de sa possibilité et de son sens. C’est de ne pouvoir plus être ce qu’il a été, mais de persévérer autrement et malgré tout, qu’il conserve encore sa raison d’être. La lecture ne saurait être aisée ni réconfortante, elle ne vise pas à procurer un plaisir esthétique. Elle contraint plutôt le lecteur à faire sienne une « expérience de l’injustice[i] », à tout le moins à éprouver un malaise, une résistance, et à s’interroger sur les limites du langage.



[i] Peter Horst Neumann, cité par Andrea Lauterwein, Paul Celan, Belin, 2005, p.10.